Du pape Saint Jean XXIII au pape François
Saint Jean XXIII
A partir de 1935, en tant que délégué apostolique en Turquie, il aidera à sauver des milliers de Juifs d’Europe de l’Est des nazis, en distribuant des certificats de baptême.
Jean XXIII élu Pape le 28 octobre 1958, pour la première fois, à sa demande, l’Église catholique cesse de prier pour les «Juifs perfides» le Vendredi Saint 1959.
Le 11 octobre 1962 il convoquera le Concile Vatican II.
Suite à sa rencontre avec Jules Isaac le 13 juin 1960, il demande le 18 septembre 1960 au Cardinal Béa que la question des relations de l’Église catholique avec les Juifs soit examinée par le Secrétariat pour l’Unité des chrétiens.
Saint Paul VI
Le pontificat de Paul VI est dominé par le concile Vatican II, qu’il s’était donné pour tache de mener à bien.
Jean XXIII, qui avait convoqué le concile, meurt avant d’avoir pu l’achever en 1963. Au cours d’un service funèbre dans la cathédrale de Milan, celui qui n’était encore que le cardinal Montini déclare que « la tombe n’enferme pas son héritage ».
Ayant ressourcé l’Église de l’intérieur, Paul VI est allé la présenter au monde. Les voyages apostoliques, les discours à l’ONU, et les rencontres œcuméniques sont autant de signes d’une présence renouvelée de l’Église dans le monde contemporain.
« Le moment n’est-il pas venu, pour l’humble successeur de Pierre, de retourner sur cette terre d’où Pierre était venu à Rome et où aucun de ses successeurs n’est jamais retourné ? »
Paul VI est le premier pape de toute l’histoire à être retourné en Terre Sainte après Pierre. Il allait recentrer l’Église à la source – à une époque où des voix progressistes en appelaient à une plus grande décentralisation de l’Église !
Ce pèlerinage en Terre Sainte de janvier 1964 marquait le début des grands voyages apostoliques minutieusement organisés.
Le Concile Vatican II, avec la déclaration Nostra Aetate, marque un tournant dans les prises de position des Papes.
Saint Jean-Paul II
Le peuple de l’alliance
- « La première dimension de ce dialogue, c’est-à-dire la rencontre entre le Peuple de Dieu de l’ancienne Alliance, une Alliance qui n’a jamais été dénoncée par Dieu (cf. Rm 11,29), et le Peuple de Dieu de la nouvelle Alliance, est en même temps un dialogue intérieur à notre Église, s’établissant pour ainsi dire entre la première et la deuxième partie de la Bible ». « Puissent tous les peuples présents à Jérusalem être réconciliés et bénis en Abraham ! » (Mayence, 17 novembre 1980)
- « Ce peuple [le peuple juif] est convoqué et conduit par Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Son existence n’est donc pas un pur fait de nature ni de culture… Elle est un fait surnaturel. Ce peuple persévère envers et contre tout du fait qu’il est le peuple de l’Alliance… » (Discours, sur les racines de l’antijudaïsme, 1997)
- : « … car l’Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée. » (Nouveau Catéchisme de l’Église catholique, § 121)
Relation avec le judaïsme
- « Quiconque rencontre Jésus Christ rencontre le judaïsme » (Discours de Mayence, 1980)
- » La religion juive ne nous est pas extrinsèque mais, d’une certaine manière, elle est intrinsèque à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés. »
« Il n’échappe à personne que la divergence fondamentale depuis les origines est notre adhésion, à nous chrétiens, à la personne et à l’enseignement de Jésus de Nazareth, fils de votre peuple, dont sont issus aussi la Vierge Marie, les apôtres, « fondement et colonnes de l’église » (cf GA,2,9) et la majorité des membres de la première communauté chrétienne. »
« De ma visite, et de la concorde et de la sérénité auxquelles nous sommes arrivés, que naisse, comme le fleuve qu’Ézéchiel a vu sortir de la porte orientale du Temple de Jérusalem (Ez 47, 1s), une source fraîche et bienfaisante qui aide à guérir les plaies dont souffre notre ville de Rome. En faisant cela, nous serons fidèles à nos engagements respectifs les plus sacrés mais aussi à ce qui nous unit et nous rassemble le plus profondément : la foi en un seul Dieu qui « aime l’étranger » et « rend justice à l’orphelin et à la veuve », nous efforçant de les aimer et de les secourir (Dt 10, 18 ; Lv 19, 18.34). Les chrétiens ont appris cette volonté du Seigneur de la Torah, que vous vénérez ici, et de Jésus qui a porté jusqu’à ses extrêmes conséquences l’amour demandé par la Torah. » - « En outre, il faut dire que la route que nous avons commencée n’est encore qu’à ses débuts et que, donc, il faudra encore pas mal de temps, malgré les grands efforts déjà faits d’un côté et de l’autre, pour supprimer toute forme, même inconsciente, de préjugé, pour nous exprimer de manière adéquate, et donc pour présenter, toujours et partout, à nous-mêmes et aux autres, le vrai visage des juifs et du judaïsme, comme aussi des chrétiens et du christianisme, et ceci à tout niveau de mentalité, d’enseignement et de communication. »
« Que notre « vivre ensemble » ne soit pas seulement une coexistence, presque une juxtaposition, ponctuée de rencontres limitées et occasionnelles, mais qu’il soit animé par l’amour fraternel. »
(Discours à la synagogue de Rome, 1986)
- « Nous demandons à nos frères et sœurs catholiques de garder à l’esprit que Jésus était un descendant de David; que la Vierge Marie et les Apôtres appartenaient au peuple juif ; que les juifs sont nos frères bien-aimés, et qu’ils sont même, dans un certain sens, nos «frères aînés» »(« Nous nous souvenons », 1998)
L’antisémitisme
- «Je répète à nouveau avec vous la plus ferme condamnation de tout antisémitisme et de tout racisme, qui s’opposent aux principes du christianisme».(Strasbourg 1988)
- « Il est encore malheureusement indispensable que nous répétions notre condamnation du racisme et de l’antisémitisme », a déclaré le pape dans sa brève allocution en anglais. « La violence au nom de la religion est toujours une désacralisation de la religion », a-t-il précisé. « Pour contrecarrer cette tendance inquiétante il faut qu’ensemble nous insistions sur l’importance de l’éducation religieuse qui prône le respect et la charité envers les autres ».(Cité du Vatican, lundi 9 février 2004)
La Shoah
- Dans son discours aux délégués des Conférences Épiscopales : « La catéchèse devrait, d’autre part, aider à comprendre la signification, pour les Juifs, de leur extermination pendant les années 1939-1945 et de ses conséquences. ».(Mayence 17 novembre 1980)
- La bonne connaissance de la tradition et de la théologie juive représente une condition sine qua non permettant de « sonder l’abîme que fut l’extermination de tant de millions de Juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale, et mesurer les blessures qui, de ce fait, ont été infligées à la conscience du peuple juif.(Mars 1981, Au Comité international de liaison entre Juifs et catholiques)
- Dans l’homélie, il évoque tour à tour les martyrs chrétiens du génocide, tels Maximilien Kolbe ou Edith Stein et les millions de victimes juives. S’agenouillant devant ce qu’il nomme le « Golgotha du monde contemporain, sur ces tombeaux, pour une grande part sans nom », il se recueille ensuite sur une pierre portant une inscription en hébreu. Celle-ci, dit-il, « ravive le souvenir du Peuple dont les fils et les filles étaient voués à l’extermination absolue. Ce peuple tire son origine d’Abraham, qui est le Père de notre foi, comme l’a dit Paul de Tarse. Ce Peuple, précisément, qui a reçu de Dieu le commandement “Tu ne tueras point”, a été éprouvé en lui-même et dans la mesure particulière de ce que signifie le meurtre. Devant cette pierre, il n’est permis à personne de passer outre avec indifférence.(7 juin 1980 à Birkenau)
Jérusalem
- Selon Jean Paul II, la destruction de toute forme de violence « qui reproduit les anciennes erreurs et, donc, fait de nouveau appel à la haine, au fanatisme et à l’intégrisme religieux qui sont les ennemis de la compréhension entre les hommes » est une priorité au Moyen-Orient. Si le peuple juif a droit à une patrie, les Palestiniens « dont de nombreux membres sont sans foyer et exilés » aussi. Les efforts de paix déployés par le Vatican sont donc incompatibles avec une prise de position diplomatique pour l’un ou l’autre des protagonistes, sans oublier son inquiétude à l’égard des communautés chrétiennes dans les pays arabes, les dhimmis. Il termine son discours par une métaphore amphibologique : « Se souvenir de la Shoah veut dire aussi s’opposer à toute semaille de violence et protéger, favoriser, avec patience et persévérance, toute tendre pousse de liberté et de paix .(Réponse à Paul Grosz en 1988)
- Accord entre le Saint Siège et l’État d’Israël ils s’engagent à coopérer de façon appropriée pour combattre toutes les formes d’antisémitisme, […] de racisme et d’intolérance religieuse, et pour promouvoir la compréhension mutuelle entre les nations ». Ils reconnaissent que « chacun est libre d’exercer son autorité et ses droits respectifs.(30 décembre 1993)
Benoît XVI
Les racines de la foi chrétienne
« Les origines de la foi peuvent déjà se trouver chez Abraham, Moïse et les prophètes. » (2008-9-12)
Relation avec le Judaïsme
- « Le patrimoine spirituel, préservé par les chrétiens et les juifs constitue en lui-même la source de la sagesse et de l’inspiration capable de nous guider vers un avenir d’espérance conformément au dessein divin.
Rappeler le passé demeure pour les deux communautés un impératif moral et une source de purification dans nos efforts en vue de la dignité humaine et pour la paix qui est en définitive, un don du Seigneur lui même. »(9 juin 2005) - « Les chrétiens et les juifs partagent le Messie espérance, nous sommes prisonniers de l’espérance. Jésus a dit, le salut vient des juifs. » (18 avril 2008 )
- « Le dialogue fraternel conduit au niveau international entre chrétiens et juifs, porte beaucoup de fruits et doit se poursuivre avec application et générosité. » (12 mai 2008)
Antisémitisme
- « La déclaration conciliaire Nostra Aetate déplore les haines, les persécutions, les manifestations d’antisémitismes dirigées contre les juifs quelques soient leur époque et leurs auteurs.(…)
Devant Dieu, tous les hommes ont la même valeur et la même dignité quel que soit le peuple, la culture ou la religion auxquels ils appartiennent.(…)
L’église catholique s’engage en faveur de la tolérance, du respect, de l’amitié, et de la paix entre tous les peuples, toutes les cultures et toutes les religions.(…)
Nous devons nous connaître mutuellement beaucoup plus et beaucoup mieux. J’encourage donc un dialogue sincère et confiant entre juifs et chrétiens.(…)
Ce dialogue ne doit pas passer sous silence les différences existantes ou minimisées.(…)
Nous devons nous aider et nous respecter mutuellement. (Cologne, 19 août 2005)
Jérusalem
- Notre espérance partagée pour la paix dans le monde comprend le Moyen Orient et tout particulièrement la Terre Sainte. (17 avril 2008)
- Les villes Saintes de Rome et de Jérusalem sont de très importantes sources de foi et de sagesse pour la civilisation occidentale
Les chrétiens en Terre Sainte entretiennent depuis longtemps de bons rapport aussi bien avec les musulmans qu’avec les juifs
(12 mai 2008)
Les dates proviennent de la visite du Pape en France.
François
En quoi le pape François, dont on connait l’amitié avec le rabbin Skorka a –t-il contribué à ce chemin ?
« Je suis bien conscient que nous avons derrière nous 19 siècles d’antijudaïsme chrétien et que quelques décennies de dialogue sont bien peu de choses en comparaison. Cependant, ces derniers temps beaucoup de choses ont changé et d’autres vont changer. Il faut travailler avec plus d’intensité pour demander pardon et pour réparer les dommages occasionnés par l’incompréhension. »[1]
On connait les liens forts de Mgr Bergoglio avec la communauté juive et tout particulièrement son amitié avec le Grand rabbin SKorka. On peut citer leur livre d’entretien : « Sur la terre comme au ciel [2]».
Dès son élection, dans son message à la communauté juive de Rome, le Pape François s’inscrit dans la ligne de ses prédécesseurs : « J’espère vivement pouvoir contribuer au progrès que les relations entre juifs et catholiques ont connu à partir du concile Vatican II, dans un esprit de collaboration rénovée et au service d’un monde qui puisse être toujours plus en harmonie avec la volonté du Créateur [3]».
Dans son Exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » parue fin novembre 2013, les principes acquis depuis Vatican II sont réaffirmés : Le caractère particulier du lien entre judaïsme et christianisme, notre foi commune au Dieu Unique, la part importante des Écritures que nous partageons avec notre « riche complémentarité qui nous permet de lire ensemble les textes de la Bible hébraïque et de nous aider mutuellement à approfondir les richesses de la Parole[4].» La pérennité de l’alliance est réaffirmée .
Il va infléchir la relation avec le monde juif dans la ligne générale de son pontificat que représente le souci des pauvres et des « périphéries » ainsi « En plus du dialogue, il est aussi important de trouver des voies sur lesquelles juifs et chrétiens puissent coopérer dans la construction d’un monde plus juste et fraternel. À cet égard, je rappelle tout particulièrement nos efforts communs pour servir les pauvres, les personnes marginalisées et celles qui souffrent[5]. »
Il manifeste également le souci de la transmission : « Il est important que nous nous appliquions à transmettre aux jeunes générations l’héritage de notre connaissance réciproque, de notre estime mutuelle et de notre amitié qui s’est développé grâce à l’engagement d’associations comme la vôtre[6]. »
Dans la ligne de ses prédécesseurs, il réaffirme l’incompatibilité entre antisémitisme et christianisme : « C’est une contradiction qu’un chrétien soit antisémite. Ses racines sont un peu juives. Un chrétien ne peut pas être antisémite ! Que l’antisémitisme soit banni du cœur et de la vie de tout homme et de toute femme ! [7]»
Lors de 50 ans de la déclaration N.A. il reviendra sur cette question : « Le Concile, avec la déclaration Nostra Aetate, a tracé la route: « oui» à la redécouverte des racines juives du christianisme; «non» à toute forme d’antisémitisme et condamnation de toute injure, discrimination et persécution qui en découlent. »
Quelques années plus tard il insistera sur le danger que représente l’indifférence face à ce fléau : «Je ne me lasse pas de répéter que l’indifférence est un virus dangereusement contagieux à notre époque, un moment où nous sommes de plus en plus connectés Il évoquera aussi avec les autres, mais de moins en moins attentifs aux autres[8].»
D’autre part, il déclare « Attaquer les Juifs ou Israël relève de l’antisémitisme. » (Allocution du 29 octobre 2015.)
Il évoquera sa visite au camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, le 29 juillet 2016, dans le cadre des JMJ de Cracovie en Pologne. «Je me souviens du rugissement du silence assourdissant que j’ai ressenti il y a deux ans à Auschwitz-Birkenau: un silence troublant qui ne laisse de l’espace que pour les larmes, pour la prière et pour la demande du pardon.[9]»
Parmi les gestes concrets, le Pape François, 30 ans après Jean Paul II, se rend à la synagogue de Rome et comme ses prédécesseurs il se rend en Terre Sainte.
On notera également la nomination, en juin 2017, de deux rabbins à l’Académie Pontificale de la Vie : le rabbin Steinberg, directeur de l’Unité d’éthique médicale de l’hôpital Shaaré Tsedek de Jérusalem, et le rabbin Fernando Szlajen, directeur du centre culturel de la communauté juive AMIA à Buenos Aires.
Ainsi on peut constater que le Pape François se situe dans la continuité de ses prédécesseurs depuis Vatican II en englobant cette particularité de la relation entre juifs et chrétiens dans son souci de l’ensemble de l’humanité dans ses membres souffrants et dans l‘impulsion qu’il veut donner à la réalisation d’attitudes concrètes.
Lors de la remise par une délégation de Rabbins américains et européens de la déclaration Entre Rome et Jérusalem, le pape relève deux points de celle-ci : « Un autre passage reconnaît que « en dépit de profondes différences théologiques, les catholiques et les juifs partagent des croyances communes» et «l’affirmation selon laquelle les religions doivent utiliser le comportement moral et l’éducation religieuse — et non la guerre, la coercition ou la pression sociale — pour exercer leur capacité à influencer et inspirer. Ceci est très important[10]. »
[1] Préface de la La Bible de l’Amitié. Citations de la Thora/Pentateuque commentés par des juifs et des chrétiens, 2019
[2] Robert Laffont (16 mai 2013)
[3] Lettre adressée au chef de la communauté hébraïque de Rome, mars 2013
[4] Exhortation « Evangelii Gaudium » novembre 2013
[5] Discours au « American Jewish Committee », AJC), 13 février 2014, Vatican.
[6] Discours au « American Jewish Committee », AJC), 13 février 2014, Vatican
[7] Discours à la communauté juive de Rome, 11 octobre 2013
[8] Discours à la conférence de l’OCSE 29 janvier 2018
[9] Idem
[10]Discours du pape François aux représentants de la conférence des rabbins européens, du conseil rabbinique d’Amérique et de la commission du grand rabbinat d’Israël jeudi 31 août 2017, Vatican