La lecture des Écritures
Lorsque dans le Nouveau Testament on parle des Écritures,cf. Luc,24.27 : » Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait », ce n’est pas le Nouveau Testament évidemment dont il est question : il n’existe pas alors ! Il s’agit bien du Tanakh.
C’est une évidence qu’il est toujours bon de rappeler.
» Le Nouveau Testament est relecture de toute l’histoire d’Israël – remontant même jusqu’à la création du monde – et relecture des Écritures à partir du mystère pascal. Il s’agit de montrer comment le Christ accomplit toutes les Écritures, les promesses de Dieu et les attentes d’Israël. Les auteurs du Nouveau Testament trempent leur plume dans l’encrier de l’Ancien Testament. Faute de le reconnaître, l’interprétation manque de profondeur et de pertinence, et on renvoie l’Ancien Testament au peuple juif (pour qui d’ailleurs il n’a jamais été «ancien») tandis que le Nouveau Testament se trouve privé de ses racines, des sources de son langage et de ses images, de la profondeur de l’expérience historique qui l’a précédé, longue de presque deux mille ans. »[1]
[1] J.M. Poffet, « Regards sur le Christ » Parole et Silence, 2017, p. 24
Rapport entre Ancien Testament et Nouveau Testament
« Le patrimoine commun de l’Ancien Testament ne constitue pas seulement la base fondamentale de la parenté spirituelle entre Juifs et Chrétiens ; il est aussi source d’une tension fondamentale entre ces deux communautés de foi »[1]
Le texte rappelle alors les deux formules, l’une d’Augustin : « Le Nouveau Testament est caché dans l’ancien et l’ancien est dévoilé dans le nouveau » (Quaestiones in Heptateuchum 2,73), et la formule de Grégoire le grand : l’Ancien Testament est la « prophétie du Nouveau Testament » et ce dernier est le « meilleur commentaire de l’Ancien Testament ».
Il faut rester attentif au danger que représentent de belles formules qui peuvent être trop réductrices, ou tout le moins ne pas réduire la lecture à cet unique type de rapport, car très vite on peut tomber dans une lecture qui ne fait de l’Ancien Testament qu’un élément préparatoire au Nouveau Testament . On tombe alors dans le piège de la substitution : le Nouveau Testament supplantant l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament mentionne d’ailleurs de manière constante cette notion de réalisation des Écritures : « Conformément aux Écritures » (I Co 15,3-5) (Mth 26,24); » ils ont accompli les Écritures » (Ac 13,27) : on comprend ainsi que la foi en Jésus n’est pas « basée seulement sur des évènements mais sur la conformité de ces évènements à la révélation contenue dans les Écritures du peuple juif. »[2]
Sur cette question du rapport à l’Écriture, il y a l’excellent document de la Commission Biblique Pontificale de 2001 « Le peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne »
[1] CRJ, « Les dons…. » 2015, § 29
[2] CBP, « Le peuple juif… » § 7
Les apports de la lecture juive
Le judaïsme considère qu’il y a une unité des deux torahs : Torah écrite et Torah orale. Néanmoins il faut noter que le statut herméneutique des textes bibliques ne va pas être le même dans les deux traditions : pour le Judaïsme, la Torah est centrale ; le Christianisme, lui, va mettre l’accent sur les prophètes « compris comme annonçant le mystère du Christ »[3]
Une interprétation continuée
Le judaïsme rabbinique n’a cessé de scruter la Parole de Dieu et de l’interpréter jusqu’à aujourd’hui. Il y a eu un développement antagoniste des deux traditions, chacune ignorant l’autre (ce qui du point de vue juif était compréhensible). Aujourd’hui nous sommes invités à découvrir l’apport possible dans notre lecture des textes de l’Ancien Testament . Comme on peut le lire dans l’exhortation apostolique du Pape François « Evangelii Gaudium » : « Il existe une riche complémentarité qui nous permet de lire ensemble les textes de la Bible hébraïque et de nous aider mutuellement à approfondir les richesses de la Parole... »[5]
« Les chrétiens peuvent et doivent admettre que « la lecture juive de la Bible est une lecture possible qui se trouve en continuité avec les Saintes Écritures juives de l’époque du second Temple, une lecture analogue à la lecture chrétienne, laquelle s’est développée parallèlement ».
D’où la conclusion : « Chacune de ces deux lectures est solidaire de la vision de foi respective dont elle est un produit et une expression. Elles sont, par conséquent, irréductibles l’une à l’autre » (« Le peuple juif….n. 22). »[4]
[3] Commission Biblique Pontificale, « Le peuple juif et ses saintes Écritures, 1985,» §11
[4] Commission des Relations avec le Judaïsme, « Les Dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » 2015, §31
[5] Exhortation Apostolique « Evangelii Gaudium », 24-11-2013, § 249