Les Relations avec le Judaïsme dans le Diocèse de Nice
Les relations actuelles de l’Église catholique avec les Juifs et le judaïsme dans les Alpes-Maritimes commencent à se forger au creuset de la Seconde guerre mondiale. Si, dans un premier temps, l’occupation italienne est relativement paisible, tout change dramatiquement avec l’occupation allemande, en septembre 1943. À partir de cette date, et jusqu’en août 1944, plus de 3000 Juifs seront déportés depuis la gare de Nice, dont 264 enfants.Dans le même temps, nombre de catholiques, laïcs, religieuses et clercs, accueillent et protègent des Juifs, individuellement ou au sein d’organisations. Certains seront reconnus «Juste parmi les Nations», dont l’évêque de Nice lui-même, Mgr Paul Rémond 2.
Dans ce contexte puis après-guerre, le «Directeur des Œuvres» diocésaines fut précurseur et de l’œcuménisme, et des relations avec les Juifs. Ce prêtre reçut en cadeau un rouleau (Megillah) d’Esther. Conservé par le diocèse après sa mort, ce rouleau fut remis à la Grande Synagogue de Nice par Mgr Louis Sankalé, le 8 janvier 2012. Pour la première fois, un évêque de Nice était accueilli en ce lieu, spécifiquement et en tant que tel. Cet événement concrétisait l’état des relations entre les Juifs et l’Église catholique, et leur donnait un nouveau départ.
En 1998, en effet, un délégué diocésain pour les Relations avec le Judaïsme avait été nommé, et le Service formellement constitué dans le diocèse de Nice, qui correspond au département des Alpes-Maritimes. Celui-ci constitue la part majeure de la région Sud Est du CRIF 3: elle dénombre environ 30000 Juifs et 54 associations constitutives (cultuelles, mémorielles, caritatives, culturelles, etc.). Auprès de ces institutions diverses comme auprès des catholiques, nous distinguerons les actions spécifiques au Service diocésain de celles qui relèvent des relations interreligieuses.
Actions du Service diocésain
La mission du Service diocésain est, en résumé, d’appliquer localement la Déclaration conciliaire Nostra Aetate et les Orientations du Magistère consécutives. Voici, en omettant les événements exceptionnels ou ponctuels, les actions régulières qui tentent de le faire
• La campagne des Vœux et du Dimanche d’éveil au Judaïsme
Au début de la nouvelle année juive, les vœux de l’Église catholique sont envoyés à toutes les institutions juives ainsi qu’individuellement aux personnes juives formant son réseau de relations. La même affiche est envoyée aux paroisses, pour inviter les fidèles à souhaiter une bonne année à leurs connaissances. Le dimanche entre Rosh Hashanah (Nouvel An) et Yom Kippour est consacré à l’éveil et l’ouverture au Judaïsme. Deux intentions de Prière Universelle spécifiques sont proposées aux paroisses
• Visites aux synagogues
Les membres du Service diocésain se rendent chaque année dans quelques synagogues du département pour exprimer les vœux de l’évêque et des catholiques à l’occasion des fêtes de Kippouret de Pessah (Pâque).
• Présence aux cérémonies mémorielles
Le délégué diocésain est systématiquement présent, représentant l’évêque de Nice en certaines occasions, aux événements qui font mémoire de la déportation et l’extermination de six millions de juifs.
-Les manifestations organisées par le Comité Yad Vashem : le Yom haShoah (Jour international de la Shoah), au Cimetière juif; la Commémoration nationale des crimes antisémites de l’État français, à la gare SNCF; l’Hommage aux déportés, à la Grande Synagogue de Nice.
-La journée nationale du Souvenir de la déportation, où le Grand Rabbin régional et le délégué diocésain alternent une prière pour les victimes, les héros, la République.
• Pour les catholiques
Pour le clergé et les fidèles catholiques du diocèse, des temps de formation ou de sensibilisation au Judaïsme sont organisés.
-Les temps de formation – des candidats au Diaconat permanent, par exemple – comprennent deux volets: une présentation du Judaïsme, où un rabbin intervient, puis un exposé sur les Relations avec les Juifs des points de vue doctrinal et pastoral.
-Les actions de sensibilisation prennent la forme de conférences dans les paroisses ou de visites à la Grande Synagogue. Dans ce dernier cas, que ce soit pour des élèves de l’Enseignement catholique ou pour un Doyenné, les explications du Président du Consistoire de Nice ou du Grand Rabbin régional sont suivies d’un commentaire, par le délégué diocésain, de la visite de Jésus dans la synagogue de Nazara (Luc 4, 16 sq.). L’une et l’autre intervention articulent ainsi notions sur le Judaïsme et bases du lien entre Juifs et catholiques en la personne de Jésus et son identité.
Les Relations interreligieuses
Dans le diocèse de Nice, deux instances interreligieuses ont été fondées, de natures différentes.
• Le Conseil des religions monothéistes des Alpes-Maritimes (COREMAM)
Sur la base du travail des Services diocésain des Relations avec les Musulmans et des Relations avec le Judaïsme, un «Observatoire des religions monothéistes»a vu le jour en l’an 2000. Celui-ci, en 2003, s’est transformé en «Conseil des religions monothéistes des Alpes-Maritimes». Il est formé de l’évêque de Nice (ou son représentant), du Président du Consistoire (ou son représentant), du Délégué du Conseil Régional du Culte Musulman et d’un représentant des Églises chrétiennes autres que catholique. Il produit, selon l’actualité, des communiqués communs. Il engage des actions en monde scolaire. Il essaie de promouvoir l’existence de groupes de dialogue 4. Pour manifester la présence des croyants dans la Cité, une «Marche des croyants» a eu lieu en 2017.
• Alpes-Maritimes Fraternité
Présidée par le Maire de Nice, M. Christian Estrosi, «Alpes-Maritimes Fraternité»est «un réseau informel assurant la collaboration librement consentie entre pouvoirs publics, d’une part, et représentants des Cultes 5, d’autre part, au service du Bien commun». Chaque année est édité un Calendrier interreligieux. Des communiqués sont rédigés en situations de crise. Aux premier et second anniversaires de l’attentat du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais, une Cérémonie interreligieuse a été organisée pour les victimes et leurs familles.
Pour conclure
Si les relations et les collaborations interreligieuses ont été, il y a quelques années encore, très soutenues, il nous faut noter enfin leur tassement. Le repli sur les «identités» et la méfiance vis-à-vis de l’autre sont un phénomène général qui affecte également le clergé et les fidèles catholiques. Du récent attentat qui, le 29 octobre 2020 à Nice, a fait trois victimes dans la Basilique Notre-Dame de l’Assomption, résulte un climat contrasté. Si les propos racistes et haineux se sont libérés, les appels à la rencontre et l’unité se sont multipliés.
Les relations personnelles fortes entre responsables des Cultes, fruit d’une longue histoire partagée, sont le socle sur lequel les relations et actions interreligieuses entendent prendre un nouveau départ, plus résolu que jamais.
1 Une jeune Niçoise, Simone Jacob, comptera parmi les rares survivants. Plus connue sous le nom de Simone Veil, elle relatera ces événements dans: Simone VEIL, Une vie, Stock, 2007
2Le soutien matériel et institutionnel que Mgr Paul Rémond accorda à Moussa et Odette Abadi permit à leur « Réseau Marcel » de sauver 527 enfants juifs..
3 Conseil représentatif des institutions juives de France.
4 Le dialogue trilatéral entre Juifs, chrétiens et musulmans ne saurait remplacer les dialogues bilatéraux. En ce sens, il existe dans les Alpes-Maritimes deux groupes de l’Amitié Judéo-chrétienne à Nice et Antibes et un troisième est en cours de constitution à Cannes. De même, notons la présence d’un groupe des Amitiés Judéo-musulmanes.
5 Judaïsme, confessions chrétiennes, islam, bouddhisme.