Cardinal Albert DECOURTRAY (1923-1994)
Né à Wattignies (Nord) le 9 avril 1923, Albert Decourtray est ordonné prêtre le 29 juin 1947.
Nommé Évêque auxiliaire de Dijon en 1971, il devient Évêque de Dijon en 1974. De 1973 à 1979, il est membre du Conseil permanent de l’Épiscopat. Au début de son épiscopat, il est membre du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme.
Élu Vice-Président de la Conférence des Évêques de France en octobre 1981, il est réélu pour trois ans en octobre 1984. Il en sera le Président de 1987 à 1990.
Il est nommé Archevêque de Lyon le 5 novembre 1981. En 1982, il passe la nuit de Noël au milieu des immigrés des Minguettes, à Vénissieux. C’est le début d’une longue lutte contre le racisme, l’exclusion, la xénophobie.
Un profond engagement auprès de la communauté juive
En juin 1983, invité par le Cardinal Macharski, Archevêque de Cracovie, à l’occasion du voyage du Pape Jean-Paul II en Pologne, il est au côté du Cardinal Lustiger au camp d’Auschwitz. Plus tard, le Cardinal Lustiger témoignera : « Je regardais Albert dont le visage était comme tourné vers l’intérieur. Il priait […]. Il a découvert la condition juive telle que la Shoah la dévoile. Alors est né en lui son amour courageux du peuple juif. Cette découverte lui a fait comprendre, comme jamais avant, l’horreur du mal et la profondeur de la miséricorde divine et l’a appelé à vivre avec une plus grande intensité sa vocation de prêtre » (« Un amour authentique du peuple juif ». Témoignage du Cardinal J-M. Lustiger lors de l’inauguration du ‘’Mémorial Decourtray’’, au Mont Sion, Jérusalem, le 15 mai 2000, in Sens, décembre 2000, p. 537).
Le 25 mai 1985, il est créé Cardinal. Il est par ailleurs élu membre de l’Académie française le 3 juillet 1993, il y entre le 10 mars 1994. Le 16 septembre 1994, il décède d’une hémorragie cérébrale.
C’est effectivement lors de son épiscopat lyonnais, marqué notamment par l’ « affaire du Carmel d’Auschwitz » (1984-1993), par le procès de Klaus Barbie jugé à Lyon (mai-juillet 1987), par l’arrestation de Paul Touvier (1989), qu’Albert Decourtray aura des gestes et des paroles inoubliables adressés à la communauté juive ainsi qu’aux chrétiens. Plusieurs décennies plus tard, ses messages, prises de position et méditations demeurent des références très précieuses pour la rencontre entre juifs et chrétiens.
Quelques florilèges de citations en diront plus que de longs commentaires :
« Aux chrétiens qui travaillent avec amitié avec des juifs, j’ai envie de dire mon affection et l’espoir que comme évêque je place en eux. Sans doute sont-ils le petit nombre. Mais qu’importe si, comme je le crois, leur existence est prophétique. Pour ma part, je reçois l’appel lancé il y a deux ans par une personnalité incroyante : ‘’N’oubliez jamais que dans ce temps l’Église sera jugée sur son rapport avec les Juifs, les étrangers et les pauvres’’. Le travail qu’effectuent aujourd’hui certains chrétiens fonde cet espoir de rencontrer une Église plus juste et vraie qu’il dépend de nous de faire davantage exister et de représenter. Une Église de plus en plus fidèle à l’amour dans la foi et l’espoir » (« Le nom des morts », in Les dossiers de Globe, n°1, juillet 1987, p. 10).
« ‘’Il est venu, Il vient, Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts’’ disons-nous. Les Juifs gardent le ‘’Il viendra’’. Merci Seigneur de me donner des frères qui, sans cesse, me rappellent que Tu viendras, car je risquerais de l’oublier. Et de réaliser que ta venue – qui est tout à fait réelle et à laquelle je crois – n’est qu’un commencement. C’est l’aube, mais vivement le plein jour ! Mes frères attendent le plein jour. J’attends le plein jour. Moi, je crois que le plein jour a déjà commencé. Eux, non. Que le Seigneur lui-même fasse ce qui convient. Pour ma part, j’essaie d’être fidèle, joyeux de ma propre foi, heureux de l’espérance de mes frères, et c’est ainsi que nous marchons, en boitant, comme dit Claudel, vers le terme. Il faut accepter de boiter dans la vie : je boite avec eux » (Interview à Radio Notre-Dame, décembre 1993, cité dans Paris-Notre-Dame, 22 septembre 1994, n°543, Supplément Cardinal Decourtray).
Et enfin, une méditation très proche de la précédente, qui nous enjoint, à travers l’attente messianique finale, à travailler, juifs et chrétiens, à l’avènement du Seigneur de l’histoire :
« Pour les Juifs, la venue du Messie ne se situe que dans l’avenir. Pour les Chrétiens, elle se situe aussi, quoique pas seulement, dans l’avenir, car il reviendra à la fin des temps, malgré la victoire définitive de Pâques sur la mort et sur le mal. Cette ressemblance ne nous commande-t-elle pas de travailler ensemble pour préparer, dans notre histoire humaine, l’avènement du Messie ? » (Interview du Cardinal Albert Decourtray, propos recueillis par Henri Tincq, in Le Monde, 18 avril 1992).