Le jeûne dans le judaïsme et dans l’Eglise catholique

Le judaïsme connaît différents types de jeûne qui n’ont ni la même origine, ni la même importance.

 

Le jeûne d’institution mosaïque

C’est le jeûne de Yom Kippour, le plus connu et le seul que mentionne la Torah qui d’ailleurs ne fait pas expressément référence à l’abstention de toute nourriture ou boisson mais demande au fidèle « d’humilier son âme », dans l’intention d’expier ses péchés (cf. Lv 16, 29-31). Pour le juif pratiquant, ce jeûne dure 25 heures (depuis la veille jusqu’au coucher du soleil le lendemain) et s’accompagne de différentes interdictions : se baigner, s’oindre, se chausser de cuir et avoir des relations sexuelles. A l’époque biblique, on remplaçait son vêtement par un sac et on se couvrait de cendres ou de poussière afin de bien marquer son affliction (cf. Jon 3, 6 ;  Is 58, 5-7 ; Dn 9, 3)

 

Les quatre jeûnes d’institution prophétique :

  • celui du 10 Tevet (4e mois dans le calendrier liturgique juif), en souvenir du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor
  • celui du 17 Tammouz (5e mois), en souvenir de la première brèche opérée par les troupes babyloniennes dans les murailles de Jérusalem, prélude à la prise de la ville et à la destruction du Premier Temple, en 587 avant notre ère
  • celui du 9 Av (7e mois), en souvenir de la destruction du Second Temple par les Romains en l’an 70
  • celui du 3 Tichri (10e mois), en souvenir de l’assassinat de Guedaliah (cf. II R 25, 25) et début des dix jours de pénitence qui culminent à Yom Kippour.

Ces jeûnes commémorent les événements tragiques de l’histoire juive, tous liés aux sièges de Jérusalem ou à la destruction du Premier ou du Second Temple. Le prophète Zacharie annonce que, au temps de la Rédemption, ces jeûnes seront transformés en jours de « plaisir et de joie » (cf. Za 8, 19).

A l’exception des jeûnes de Kippour et du 9 Av, il est interdit de jeûner le shabbat car le commandement d’observer le shabbat est une prescription de la Torah qui surpasse tout précepte institué ultérieurement par les prophètes ou les rabbins.

 

Les jeûnes d’institution rabbinique

Les autres jeûnes sont des jeûnes de prière, qui sont jugés « mineurs » et ne durent que de l’aube au coucher du soleil. Ainsi, le jeûne d’Esther, à la veille de Pourim, rappelle l’épisode dramatique où, avant d’aller trouver le roi pour intercéder en leur faveur, la reine Esther demande à ses coréligionnaires menacés d’extermination d’observer un jeûne de trois jours pour obtenir l’aide de Dieu.

Il en va de même pour le jeûne des premiers-nés, à la veille de Pessah, qui commémore la mort des premiers-nés égyptiens  et le salut miraculeux des premiers-nés israélites.

A l’époque talmudique, les rabbins décrétaient parfois des jeûnes publics, exhortant le peuple à prier pour obtenir de Dieu qu’il fasse cesser sécheresses ou autres fléaux. Le Talmud consacre tout un traité à ce sujet : le traité Ta’anit.

Il arrive aussi que certains juifs particulièrement pieux s’imposent un jeûne de leur propre initiative. Le roi David, par exemple, jeûna lorsque le premier enfant qu’il eut de Bethsabée était sur le point de mourir (cf. II Sam12, 16). D’autres cas de jeûnes facultatifs sont attestés dans le Livre des Psaumes (cf. Ps 35, 13 ; 69, 11-12).

Certains prophètes ne se privent pas de critiquer ce type de jeûne en enseignant que la vraie spiritualité du judaïsme s’acquiert moins par cet exercice de mortification que par l’attention au prochain et la pratique d’œuvres bonnes. (cf. Is 58).

 

Dans l’Eglise catholique, on observe aujourd’hui un regain d’intérêt pour la pratique du jeûne

Retrouvant la tradition des grands spirituels et des moines, le jeûneur signifie symboliquement que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain mais que la volonté de Dieu, ainsi recherchée, est elle aussi nourriture.

Le Christ a invité à jeûner sans ostentation (Mt 6, 16-17) et a lui-même jeûné (Mt 4, 2). A leur tour, les Apôtres ont jeûné (Ac 13, 2 ; II Co 11 , 27). Dès la fin  du 1er siècle,  Pâques était préparé par un jeûne de deux jours. A l’heure actuelle, l’Eglise catholique ne prescrit le jeûne que deux fois par an : le mercredi des Cendres (début du Carême) et le vendredi saint (célébration de la mort du Christ), mais elle incite à des pratiques personnelles de privation et de partage.

 

Concluons par cette citation de Saint Léon le Grand (5e siècle) :

L ’Ancien Testament et le Nouveau nous exhortent également à nous attacher aux biens solides et à mépriser les biens frivoles et passagers (…) N’est-il rien de plus juste que l’homme fasse la volonté de celui dont il porte l’image et que, s’abstenant des viandes, il s’abstienne aussi du péché ? C’est pour cela qu’on a ordonné des jeûnes(…)pour nous faire souvenir que nous avons besoin de nous purifier en tout temps, et de faire tous nos efforts pour effacer par les jeûnes et les aumônes les péchés que nous avons commis par la fragilité de la chair.