Jésus et le shabbat
Comme tout juif observant, Jésus a respecté le shabbat. On le voit ce jour-là se rendre à la synagogue, y prier et y enseigner :
« Il vint à Nazareth où il avait été élevé. Il entra suivant sa coutume le jour du sabbat dans la synagogue, et il se leva pour faire la lecture. » (Lc 4, 16)
… »Il descendit alors à Capharnaüm, ville de Galilée. Il les enseignait le jour du sabbat et ils étaient frappés de son enseignement parce que sa parole était pleine d’autorité. » (Lc 4, 31).
Une polémique va toutefois naître et se développer entre Jésus et son auditoire juif. Car Jésus n’hésite pas à poser des actes proscrits par la réglementation du shabbat.
C’est ainsi qu’il guérit, entre autres, l’homme possédé d’un esprit impur (Mc 1, 21-28), la belle-mère de Simon-Pierre (Mc 1, 29-34), l’homme à la main desséchée (Mc 3, 1-6) ou encore l’aveugle-né (Jn 9, 1-41).
Or ces guérisons sont perçues par ceux que les évangiles qualifient de « docteurs de la loi » comme autant de transgressions de la Tora. Le soutien implicite que Jésus apporte à ses disciples lorsque, ayant faim un jour de shabbat, ils grappillent dans les champs quelques épis de blé, est lui aussi vivement critiqué. « Regarde ce qu’ils font le jour du shabbat ! Ce n’est pas permis. » (Mc 2, 24).
En réalité, Jésus ne se distingue en rien des maîtres juifs en affirmant que le shabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le shabbat (Mc 2, 27).
On retrouve le même principe dans un midrash bien connu : « Pour vous le shabbat a été livré et ce n’est pas vous qui êtes livrés au shabbat » (Mekhilta de Rabbi Ishmael sur Ex 31, 14).
A l’époque des Macchabées déjà, quiconque était sous la menace d’un danger mortel était dispensé de l’observance du shabbat. Rien de nouveau, donc, dans la prédication de Jésus sur le respect dû au shabbat, jour privilégié pour établir l’homme dans sa juste relation à Dieu.
Si Jésus opère des guérisons le jour du shabbat, ce n’est pas pour prêcher une morale supérieure qui exempterait ses disciples de l’obéissance à la loi mosaïque, une loi d’amour universelle qui l’emporterait sur un légalisme scrupuleux. C’est pour annoncer la venue de ce Messie annoncé par les prophètes et destiné à combler l’espérance d’Israël.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la réponse qu’il fait donner à la question de Jean le Baptiste : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, les infirmes marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts se réveillent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Mt 11, 4-5).
En s’appuyant sur cette vision prophétique d’un monde libéré de toute entrave, de toute finitude et de tout mal (Is 61, 1-11), Jésus veut montrer ce qu’est le shabbat voulu de toute éternité par Dieu, où la création entière sera pleinement sanctifiée et où Dieu, pour reprendre l’expression de l’apôtre Paul, sera « tout en tous ».
A la polémique succédera bientôt, on le sait, l’animosité qui entraînera le rejet et la condamnation de Jésus, pour prétention à la messianité.