Cardinal Jules-Géraud Saliège (1870-1956)
Comment évoquer le Cardinal Saliège sans commencer par rappeler l’acte si juste, si courageux et prophétique de l’archevêque de Toulouse (1929-1956) protestant contre les rafles des juifs dans son diocèse, en août 1942 et son cri : « les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes […]. Tout n’est pas permis contre eux […]. »
Mais il faut ajouter immédiatement que cet engagement total de Mgr Saliège envers nos frères aînés, manifesté avec éclat par cette
célèbre lettre pastorale du 23 août 1942, vient, chez lui, de loin. Elle puise directement dans son ressourcement biblique.
Malheureusement, le grand public n’en est pas souvent conscient, et cette carence mérite d’être comblée par le rappel d’autres actes saillants dans son parcours :
– Dès 1926-1927, au moment de la condamnation de l’Action Française par le pape Pie XI, il bataillait déjà ferme contre les partisans encore attachés à ce mouvement, en s’appuyant notamment sur le livre de son ami, Jacques Maritain, Primauté du spirituel.
– Puis, dès le 12 avril 1933, il prit part à un grand meeting de protestation contre l’antisémitisme, tenu au Théâtre du Capitole, organisé par des intellectuels et des responsables de la société civile, en présence notamment du vice-président du Conseil Général, du doyen de la Faculté de Droit, du maire de Toulouse, du rabbin, du pasteur et du recteur de l’Institut catholique. Mgr Saliège y tonnait déjà contre le nazisme qui venait d’arriver au pouvoir en Allemagne et son antisémitisme.
Rappelons une fois encore l’unique source à partir de laquelle toutes ces protestations s’alimentent : elles puisent toutes leur énergie spirituelle dans l’Ancien et le Nouveau Testament solidairement.
Deux citations, toujours lapidaires, simples et claires comme il en avait le secret, parmi beaucoup d’autres :
« Le Nouveau Testament est solidaire de l’Ancien. Le Christianisme est solidaire d’Israël. L’antisémitisme, à travers Israël, attaque Dieu » (16 septembre 1945).
« […] L’homme sans Dieu n’est plus qu’un fauve. Le désir de vengeance tient de l’animalité, non de l’esprit. Il marque une régression, non un progrès. Il détruit, il n’édifie pas. Hitler l’a déchaîné sur la France dont il a fait une fois de plus sa victime. Humains, tendez-vous la main ! » (7 octobre 1945).
– Enfin, dans les années 1950, son combat ne s’arrêta pas à l’antisémitisme nazi, mais s’attaqua aussi à l’antijudaïsme chrétien présent encore dans l’Église catholique et dans son enseignement. Il faut ainsi mentionner la préface qu’il donna à la brochure décisive du Père Paul Démann, nds, (avec sa collaboratrice Renée Bloch), La catéchèse chrétienne et le peuple de la Bible. Constatation et perspectives, Cahiers sioniens, n°3-4, 1952, vaste enquête sur plus de 2000 manuels de catéchèse et de théologie marqués encore par ce que Jules Isaac nommait « l’enseignement du mépris ».
Voici un court extrait de cette préface :
« […] De cette mentalité encore trop répandue [l’antijudaïsme chrétien], des orateurs, à la recherche d’un effet, sont responsables ; peut-être aussi des polémistes comme Drum
ont et des dictateurs comme Hitler, qui ont répandu cette opinion que la race juive était malfaisante. Cette opinion a influencé, à leur insu, certains auteurs qui écrivent à tout propos les ‘’méchants juifs’’. […] Ce livre apportera bien des corrections à des catéchismes qui, par mégarde, manquaient trop d’objectivité. […]. »