A la découverte du B’nai Brith France

Philippe Meyer, président du B’nai B’rith France, présente l’association et ses rapports avec le monde chrétien.

 

 

 

 Qu’est-ce que le B’nai B’rith France et quelles sont ses relations avec le monde chrétien ?

Le B’nai B’rith, expression hébraïque signifiant les « Fils de l’Alliance », est la plus ancienne et la plus importante organisation humanitaire juive au monde. Fondé en 1843 aux Etats-Unis, le B’nai B’rith est aujourd’hui présent dans plus de 50 pays. En tant qu’ONG, il siège à l’ONU, à l’Unesco et au Conseil de l’Europe. Le B’nai B’rith France (BBF) existe depuis 1932. Ses sections sont présentes dans les principales villes à travers la France et a son siège à Paris.

L’Amour fraternel, la Bienfaisance et l’Harmonie sont à la fois la devise et les valeurs fondamentales du B’nai B’rith France. La défense des droits de l’homme, la lutte contre les haines, et en particulier contre l’antisémitisme sous toutes ses formes, la défense des valeurs de la République, la promotion des cultures juives, le travail de mémoire, la solidarité et le soutien à l’Etat d’Israël représentent les missions essentielles de notre association. Le dialogue interreligieux tient une place centrale dans notre histoire et notre actualité.

Le B’nai B’rith France souligne l’importance de la démarche de l’église Catholique qui a permis, avec la déclaration du concile Vatican II, Nostra Aetate, de passer « du peuple déicide aux frères ainés dans la foi ». Elle a marqué un tournant dans les enseignements officiels de l’Église catholique sur le judaïsme et a participé à l’amélioration des relations entre le christianisme et le judaïsme.
A ce titre le BBF a organisé en 2015 un colloque au Collège des Bernardins ayant pour thème « Juifs et Chrétiens, connaissance mutuelle et enjeux d’une réflexion commune pour notre société ».

Le BBF a tissé des liens de longue date avec l’AJCF, fondés sur des valeurs partagées et des combats communs. Nous sommes heureux de continuer à les renforcer, ainsi qu’avec le SNRJ, par des actions collaboratives, afin de lutter ensemble contre les haines et les clivages et d’œuvrer pour la construction d’une société plus apaisée. A ce titre, le BBF est partenaire de la Journée Nationale de lutte contre l’antisémitisme organisée par l’AJCF au Mémorial de la Shoah le 20 mars prochain.

La montée inquiétante de l’antisémitisme est au cœur des préoccupations tant du SNRJ et de l’AJCF que du BBF. Quelles actions ont été mises en place et quelles actions futures sont envisagées pour lutter contre ce fléau ?

L’augmentation constante et inquiétante des actes antisémites en France depuis les années 2000 est une des préoccupations majeures du BBF. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur en 2021, 73% des actes racistes portant atteinte aux personnes sont dirigés contre des Juifs (qui représentent moins de 1 % de la population française).

Le BBF est très sensible à la Déclaration des évêques de France de Février 2021 : « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme » qui exprime « combien aujourd’hui la lutte contre l’antisémitisme doit être l’affaire de tous et affirment leur volonté de travailler avec tous ceux et toutes celles qui sont engagés dans cette lutte ».
Afin de lutter contre ce fléau de la haine anti-juive, qui souille la société et la République, le BBF a développé plusieurs axes d’actions :

– Actions politiques et sociétales : prises de positions publiques, notamment sur les réseaux sociaux et dans les médias, rencontres régulières avec des acteurs majeurs de la vie civile et religieuse, avec des leaders d’opinion politiques et associatifs, avec les ambassadeurs de nombreux pays présents en France, avec des « alliés » partageant nos valeurs, afin de les alerter sur les difficultés et l’anxiété des Français Juifs et sur l’urgence à agir ensemble contre l’antisémitisme, contre les haines, et au-delà contre les atteintes à nos valeurs républicaines communes. La publication d’un « Livre blanc européen pour la citoyenneté et contre l’antisémitisme » en 2017, réactualisé en 2020, est allée dans ce sens.

– Actions juridiques : dépôts de plainte et constitution de partie civile pour certains faits d’antisémitisme avérés et la défense des valeurs de la République.

– Actions éducatives : publication en 2021 d’une étude sur les « Représentations du conflit israélo-arabes dans les manuels d’Histoire de Terminale » pointant chez certains éditeurs des approches idéologiques, souvent partisanes dans des manuels scolaires de l’Education Nationale.

– Actions culturelles : organisation en 2019 d’une exposition itinérante sur « la France et l’apport des cultures juives de la Révolution à nos jours », qui décline les apports des juifs à la France depuis l’acquisition de la citoyenneté en 1791 jusqu’à la période actuelle.

Ces travaux éducatifs et culturels, toujours d’actualité sont destinés à un large public à travers la France, et notamment à la nouvelle génération.

Quelles sont les nouvelles formes de l’antisémitisme ?

L’antisémitisme est un phénomène complexe et ancré de longue date dans la société. Mais si le mal persiste, sa nature et ses manifestations se transforment et évoluent. Il est aujourd’hui porté à la fois par une extrême droite décomplexée qui s’appuie sur la persistance des préjugés traditionnels sur les juifs, et par une extrême gauche qui, sous de nouveaux habits, nourrit un antisionisme militant et ne cache rien de la haine des juifs.
A ce courant antisioniste de plus en plus actif et pernicieux depuis le début des années 2000, s’est greffée la mouvance islamiste qui, dans sa guerre contre les valeurs de notre société, et dans sa haine d’Israël, a tué ces dernières années des Français Juifs, parce que Juifs et des hommes d’Eglise dans l’exercice de leur sacerdoce.

Cet activisme antisioniste et islamo-gauchiste, dans lequel s’inscrit notamment l’appel au boycott d’Israël, va bien au-delà d’une simple critique des gouvernements israéliens. En réalité il remet en cause l’existence même de l’Etat d’Israël.

C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a adopté en 2019 la définition de l’antisémitisme selon les termes de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui associe antisionisme et antisémitisme, dans ses exemples sur les formes d’antisémitisme.
Afin de lutter contre la diabolisation de l’Etat d’Israël, le BBF organise depuis plus de 20 ans des voyages interculturels et interreligieux en Israël afin de faire découvrir le pays et toucher du doigt les réalités de la seule démocratie du Proche-Orient.
Le BBF lutte au quotidien, notamment sur les réseaux sociaux, contre cette nouvelle forme de haine qui implique de plus en plus les jeunes générations.

Nos deux théologies reposent sur des fondements communs mais aussi différents. Comment conjuguer nos forces afin d’amener à une société plus apaisée ?

Une soixantaine d’année après la rencontre entre Jules Isaac et le pape Jean XXIII, que de chemin parcouru dans les relations conflictuelles et douloureuses entre juifs et chrétiens. Grâce à des femmes et des hommes engagés, nous reprenons le constat du pape François, « d’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères ». Chacun a dû parcourir un chemin difficile. Et si la communauté juive est restée longtemps méfiante face cette révolution dans les enseignements de l’Eglise catholique envers les juifs, des liens forts, de confiance et de fraternité se sont installés au-delà de nos différences.
Tout en saluant avec respect ce tournant historique majeur, le BBF est conscient qu’il reste encore un chemin à construire après une histoire aussi douloureuse. C’est pourquoi le B’nai B’rith France se réjouit des liens d’amitié et de coopération tissés avec l’AJCF et le SNRJ qui contribueront à renforcer encore davantage les liens fraternels entre Juifs et Chrétiens.

Du dialogue nait la connaissance de l’Autre qui permet à son tour le respect mutuel et finalement la construction d’un avenir commun. Dans un monde traversé par les haines, en perte de valeurs et de spiritualité, il nous revient d’agir ensemble, de consolider nos relations et de créer de nouveaux liens en nous appuyant sur ce qui nous rapproche et sans éluder nos différences.

C’est ensemble que nous devons lutter contre l’antisémitisme sous toutes ses formes, contre l’indifférence trop souvent constatée et qui est son meilleur allié, et pour un sursaut national plus nécessaire que jamais. L’antisémitisme, avec ce qu’il révèle depuis toujours des maux de la société, et ce qu’il fait courir comme risque majeur pour sa cohésion et son avenir, n’est pas que l’affaire des Juifs, il est l’affaire de tous.
La fraternité avec les amis qui partagent nos valeurs, nos préoccupations, notre vision de l’homme et de la société nous permet de poursuivre ensemble nos missions citoyennes dans le respect et la défense des valeurs de la République, pour la pérennité d’une société apaisée et tournée vers l’avenir.